Le Boulevard du Crime, dans toute sa gloire, vécut cent ans, de 1759 à 1862. Sa naissance sur le boulevard du Temple fut aristocratique et campagnarde, sa mort, bruyante et populaire. Cinq rangées de beaux arbres, des allées arrosées régulièrement, des bancs, avaient fait de ces anciennes fortifications la promenade favorite des gens à équipages : "On voyait là, dans de superbes voitures à sept glaces, les plus jolies femmes de la Cour et de la Ville", écrivait Madame de Genlis. En 1759 le Prévôt des Marchands autorisa officiellement l'installation d' "amuseurs" sur le Boulevard.
Un sieur Gaudon monta, dit-on, la première loge foraine au boulevard du Temple ; son exemple ne tarda pas d'être suivi par de nombreux confrères : montreurs de marionnettes, d'automates, de figures peintes, d'ombres chinoises, d'animaux phénomènes ou savants, physiciens, escamoteurs et danseurs de corde. Ce furent ces derniers, qui, sous la direction de Nicolet, fondèrent le premier théâtre, vraiment digne de ce nom. Quelques années plus tard, les marionnettes d'Audinot se changeaient en acteurs vivants et créaient la concurrence. Insensiblement, les tenanciers des baraques en faveur auprès du public, imitèrent Nicolet et Audinot, faisant succéder, comme eux, la représentation de petites pièces, drames ou vaudevilles, à leur primitif spectacle muet. Ce fut, jusqu'à la Révolution, une véritable foire perpétuelle où se coudoyaient indistinctement gens du monde, femmes galantes et gens du peuple, l'après-midi autour des bateleurs, le soir dans les théâtres, les cabarets et les bals. |
Le projet "Trésors du Boulevard du Crime" |
Au lendemain de la prise de la Bastille, la clientèle aristocratique disparut, seule la "populace" resta fidèle à Nicolet et à ses confrères, pour qui, en 1791, allait sonner l'heure de la pleine et entière liberté. Sous la Terreur, loin de diminuer, le nombre des théâtres s'accrut considérablement. La plupart d'entre eux devinrent des tribunes politiques, comme bon nombre de cabarets se transformèrent en salle de réunions pour les divers partis. "Les robes de soie des belles marquises avaient cédé la place aux haillons des tricoteuses", le "Ça ira" remplaçait les chansons de Fanchon la Vielleuse. Le Directoire rendit au boulevard du Temple sa physionomie première; après les horreurs de 1793, Paris, assoiffé de plaisirs, reprit le chemin des théâtres et des attractions installés près du fossé du Marais. Napoléon se montra sévère à l'égard de ces derniers, en faisant disparaître par le décret de 1807, plus de la moitié des spectacles, rendant ainsi lettre morte la liberté proclamée en 1791.
La Restauration fit preuve d'une plus grande libéralité, en accordant de nombreux privilèges, qui attirèrent la foule dans les établissements de toutes sortes. Le Cirque-Olympique reprend en 1807. 1812 voit naître le théâtre de Madame Saqui, puis le théâtre des Funambules à côté du Musée de cires de Curtius. Le théâtre de la Porte-Saint-Martin rouvre en 1814, tandis que le théâtre du Petit-Lazari démarre en 1821. Les principales ouvertures qui suivent ont lieu pendant la monarchie de Juillet: théâtre des Folies-Dramatiques (1831), des Délassements-Comiques (1841), Théâtre-Historique (1847) devenu Théâtre-Lyrique (1852) sous le Second-Empire, tout comme le Théâtre des Folies-Concertantes (1853) devenu théâtre Déjazet en 1859. Les grands travaux du baron Haussmann devaient porter un coup mortel au Boulevard du Crime. Toute la partie nord du boulevard du Temple située dans le prolongement du boulevard actuel, fut détruite en 1862 pour permettre d'aménager et d'agrandir la place du Château-d'Eau (actuellement place de la République) et achever le percement du boulevard du Prince Eugène (aujourd'hui boulevard Voltaire) commencé en 1857 et inauguré par Napoléon III le 7 décembre 1862. Ainsi disparurent les salles de spectacle qui se cotoyaient sur le côté pair du boulevard. |
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